Fasten your seat belt and enjoy the flight!

Pour ce second volet de l’article dédié aux turbulences, nous sommes allés à la rencontre d’un pilote avec, pour objectif, de mieux appréhender le phénomène des turbulences en vol. 

Rencontre avec Joffrey Dellis, ancien pilote militaire (F16), de ligne (A330-340-350) aujourd’hui pilote d’aviation d’affaire (EAPC) et Instructeur (Ecole d’aviation NewCAG). 

Joffrey Dellis, pilote.
Image ©️J. Dellis

Peut-on revenir brièvement sur les différents types de turbulences ?

Bien entendu ! Nous distinguons 7 types de turbulences différentes : thermique, de sillage, mécanique, orographique, d’orage, les turbulences induites par les pilotes (par exemple lors de la sortie des aérofreins) et enfin les turbulences en ciel clair (CAT) qui se forment dans et à proximité des Jet-streams. 

Joffrey Dellis, anciennement pilote militaire et de ligne, est aujourd’hui pilote d’aviation d’affaire et Instructeur à l’école d’aviation NewCAG
Image ©️Gate.31 

Lors de la traversée de l’Atlantique, par exemple, un pilote peut être amené à suivre les Jet-streams suivant des couloirs aériens journaliers définis qui correspondent aux trajets les plus rapides. Si ce trajet suit un couloir Jet-stream sinueux, il se peut que l’avion rencontre des turbulences à plusieurs reprises sur un seul et même trajet !

Est-on à même de détecter les turbulences en ciel clair ? 

Il n’y a pas moyen de les « détecter » en tant que tel mais il nous est possible de les prédire à l’aide de modèles et sur base des gradients de vitesse du Jet-stream par exemple. Ces facteurs peuvent nous alerter sur l’intensité des turbulences. 

Nous disposons aussi de cartes météos sur Ipad ; celles-ci nous renseignent les zones à risque : icing, orages, turbulences, … 

Image ©️J. Dellis

Aujourd’hui, je sais que certaines sociétés technologiques travaillent à la mise au point d’appareils de type « lidar » permettant de détecter les turbulences en ciel clair. C’est une bonne nouvelle car, à ce jour, l’avion n’est pas équipé pour détecter ces turbulences-là. Si un pilote rencontre des turbulences en vol, la courtoisie veut qu’il informe ses collègues pilotes par fréquence radio et par l’intermédiaire du contrôle aérien. Les contrôleurs aériens proposent alors aux pilotes d’adapter leurs trajectoires afin d’éviter certaines zones. 

Les turbulences dont on parle aujourd’hui dans les médias sont ce qu’on appelle des turbulences « sévères » causées par des turbulences en ciel clair (CAT). La télévision diffuse les images d’avions endommagés : les masques à oxygène sont tombés, les trolleys de catering se sont déplacés, …C’est évidemment très impressionnant. 

Il faut constater que ces turbulences ont fortement augmenté ces dernières années, ce phénomène pourrait être lié à l’intensité du Jet-stream et aux différences croissantes de températures entre l’Équateur et les pôles.

Le pilote est-il informé du type de turbulence qu’il sera amené à  rencontrer en vol ?

Oui bien entendu ! Le pilote reçoit des cartes météos qui l’aide à identifier et estimer les turbulences : des petits symboles nous indiquent le niveau de turbulence et les zones dans lesquelles les turbulences devraient être ressenties. Ce n’est pas une science exacte mais cela nous permet d’adapter notre vitesse, de briefer le PNC afin qu’il puisse planifier le service en cabine, cela nous permet aussi d’activer le signal ‘Seat Belt’ de manière préventive.  Je constate cependant que certains passagers minimisent les signaux de sécurité. Quand le pilote active le signal « Seat Belt », il faut boucler la ceinture ! Au sein de l’avion, chaque passager est aussi responsable de sa propre sécurité…

Aujourd’hui et face à ces turbulences plus sévères, les trolleys (chariots de service) utilisés en cabine pour servir les repas peuvent représenter un vrai danger ;  ces chariots anguleux chargés à 80 kg et lancés à pleine vitesse peuvent blesser l’équipage, les passagers et endommager l’avion. Il faut être vigilant. 

Quels sont les impacts des turbulences sur l’avion et sur le vol ? 

Dans l’aviation, les opérations de maintenance se font de manière très régulière. A cette occasion, les techniciens font un « audit » complet de l’usure de la structure. 

Par ailleurs, les avions sont conçus pour pouvoir subir des facteurs de charge ce qui signifie que l’avion a été testé bien au-delà de ces facteurs de charge. Il ne risque pas de se rompre en vol (sourire). 

Idem pour une aile d’avion, celle-ci est conçue et testée (essais de fatigue) avec des poussées bien supérieures aux contraintes maximales que l’appareil pourra connaître en vol. 

Je ne m’inquièterais donc pas pour la fiabilité des appareils qui sont conçus de manière très stricte et testés dans des conditions extrêmes. Je me soucierais davantage des passagers qui pourraient être blessés à cause de turbulences. Ce type de scénario pourrait obliger un pilote à faire une diversion médicale pour venir en aide aux passagers les plus touchés.

Assiste-t-on à une « psychose » des turbulences d’air clair ?

En tant que pilote, j’ai plus peur d’un orage ou d’un cumulonimbus que de la turbulence d’air clair (sourire). 

Il faut aussi tenir compte du fait qu’il y a, aujourd’hui, beaucoup plus de trafic qu’avant. La probabilité qu’un avion rencontre ce type de turbulence est donc plus importante. Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle important en amplifiant les événements ce qui contribue inévitablement à accroître la « psychose ».

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